L’héritage de Mfumu Kimbangu : 74 ans après sa mort, le peuple noir se souvient…
- Yaya Nzonza

- 12 oct.
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Introduction
Le 12 octobre 1951, Mfumu Kimbangu quittait ce monde. Soixante-quatorze ans plus tard, son nom résonne encore dans les cœurs et les mémoires.
À travers son enseignement, ses visions et sa mission spirituelle, il a marqué l’histoire du peuple Kongo et de l’Afrique toute entière.
Cet article, tiré du livre Makongo écrit par l’Instructeur du peuple Kongo Ne Muanda Nsemi N’Longi a Kongo dans Bangunza (2:1-27 ; 4:1-43 ; 4:44-108 ; 5:11-76), lui rend hommage en rappelant quelques étapes de son chemin et la portée de son œuvre.
Qui était Mfumu Kimbangu, prophète du peuple noir et guide spirituel du Kongo ?
La naissance et les signes d’enfance
Né en 1889 à Nkamba, dans la région de Manianga Sud, Simon Kimbangu, appelé aussi Prophète du Congo, était le fils de Mbuta Kuyela (père) et Mama Luezi (mère). Ses parents étant décédés alors qu’il était encore enfant, il fut élevé par sa tante Kinzembo.
Dès son enfance, il vécut des expériences spirituelles extraordinaires.Un jour, lors d’une veillée mortuaire, il perdit connaissance et fut ranimé par de l’eau.Peu après, alors qu’il souffrait d’une maladie de furoncles, un ange prit forme humaine et lui dit :
« À partir d’aujourd’hui, apprends à accepter les malades, car beaucoup viendront auprès de toi. »
Kimbangu répondit :
« Je sais déjà qui je serai demain : je ne serai pas guérisseur, mais roi au sommet du Kongo dia Tontela. »
L’ange insista : même roi, il ne pourrait échapper à sa mission de soin et de guidance. Puis, il lui remit une huile sacrée :
« Oins-toi de cette huile sur tout ton corps. »
Ce signe confirma sa vocation de guérisseur et de guide spirituel pour les générations à venir.
Le début du travail de Mfumu Kimbangu
Porté par le désir de connaître son territoire, Mfumu Kimbangu voyagea à Mbanza Kongo, Kongo dia Mfua et Kinshasa. Attristé par la souffrance du peuple noir, il voulut devenir prêtre chez les protestants. Mais, l’Église lui répondit :
« Tu n’es pas digne de comprendre et d’enseigner. »
Il persévéra pourtant dans la prière et le jeûne, jusqu’à entendre la voix de Tata Nzambi’a Mpungu :
« Ton temps est arrivé. Tu es digne de te lever et de conduire mon peuple. »
Alors commença pour lui un combat intérieur : croire à l’appel de Dieu ou aux refus des missionnaires ? Entre peur humaine et conviction divine, Kimbangu choisit la voie de la foi.
Les épreuves et la mission spirituelle de Mfumu Kimbangu pour le peuple Kongo et l’Afrique
Les épreuves du travail et la pauvreté imposée
À Mbanza Ngungu, il fut embauché par une compagnie, mais licencié dès le lendemain, sans motif.À Kinshasa, il travailla dans la compagnie d’huile de palme belge (H.C.B). Son travail était exemplaire, mais au moment de recevoir son salaire, on lui dit :
« Ton argent a déjà été retiré hier. »Quand il protesta, le responsable européen répondit :« C’est toi-même qui l’as pris hier ! »Et il fut renvoyé.
Partout, les portes restaient fermées : rejet, humiliation, pauvreté.
La rencontre décisive avec Bana ba Kongo dia Ntotela
Durant ces épreuves, il rejoignit Bana ba Kongo dia Ntotela, une association de Kongo décidés à préserver leur culture, leur spiritualité et leur dignité.
Parmi eux se trouvait un Noir américain, disciple de Marcus Garvey, venu redécouvrir la tradition Kongo.
Ces échanges réveillèrent en Kimbangu la flamme de la libération : il comprit que son chemin n’était pas de servir les compagnies coloniales, mais de servir Dieu et son peuple.
L’échec du commerce et la leçon spirituelle
Ses frères de l’association lui donnèrent de l’argent pour faire du commerce (savon, bonbons, biscuits européens).
Mais à chaque retour, les bénéfices avaient disparu.
Il décida alors de rentrer au village pour se consacrer à l’agriculture.
Sur le chemin, à Kasa Ngulu, un soldat belge l’arrêta, lui arracha ses poissons fumés et le renvoya à pied.
Ces humiliations devinrent pour lui des signes spirituels : Nzambi fermait les portes du monde matériel pour l’ouvrir au monde divin.
L’appel confirmé de Mfumu Kimbangu
De retour au village, il s’engagea dans le jeûne, la prière et la méditation. Dans la forêt, il pria, jeûna, médita. Un jour, il entendit :
« Je vais couper les fils de l’esclavage, rassembler le peuple Kongo et l’utiliser comme instrument pour l’Afrique et le monde. Tu es mon instrument pour la renaissance du Kongo et la délivrance des Noirs. »
Troublé, il répondit :
« Mais comment vais-je y arriver, moi, un bon à rien, incapable de nourrir ma famille ? »
Alors Nzambi’a Mpungu lui révéla :
« Ces échecs ne sont pas une malédiction, mais une pédagogie divine pour t’arracher aux illusions du travail colonial. »
Son esprit Muanda Velela confirma cette parole. Les doutes s’envolèrent. Il sut que sa mission venait de Dieu.
Le 18 mars 1921 : proclamation de la mission de Mfumu Kimbangu
Ce jour-là, il déclara :
« Un ange de Nzambi’a Mpungu m’a montré le travail pour lequel je suis venu sur terre, et la gloire qui attend les enfants du Kongo. »
Dès lors, il guérit les malades, enseigna la bonne nouvelle et appela à l’unité spirituelle. Les foules se rassemblèrent à Nkamba, brûlèrent leurs idoles et se tournèrent vers l’unique Dieu. C'est le début du ministère de Mfumu Kimbangu, union entre foi et résistance.
La réaction des autorités coloniales
Les églises catholiques et protestantes le condamnèrent. Les compagnies coloniales perdirent leurs ouvriers. Les autorités belges et françaises envoyèrent des soldats pour bloquer Nkamba. Des fidèles furent arrêtés, torturés ou tués.
Même au Congo-Brazzaville, des missionnaires venus espionner furent bouleversés par ses miracles et rejoignirent la foi kongo. Alors la haine des colons se concentra sur un seul homme : Mfumu Kimbangu.
Condamnation à perpétuité de Mfumu Kimbangu à Lubumbashi
Le 6 septembre 1921, il fut arrêté.
Le 3 octobre, condamné à mort pour “incitation à la révolte”, peine ensuite commuée en réclusion à perpétuité par le roi Albert Ier.
Il passa près de 30 ans en prison, entre Stanleyville et Élisabethville (Lubumbashi).
Le 12 octobre 1951, il mourut en captivité, sans jamais renier sa foi.
L’héritage spirituel de Mfumu Kimbangu 74 ans après sa mort
Soixante-quatorze ans après sa mort, la mémoire de Mfumu Simon Kimbangu demeure vivante. Son message — prière, guérison, unité et dignité — inspire toujours le peuple noir et guide la renaissance du Bukongo.
Il avait annoncé la venue de N’Longi’a Kongo Ne Muanda Nsemi, auteur du Makongo, et continuateur de cette œuvre spirituelle à travers des centaines de brochures (Kongo Dieto). Ceux qui marchent aujourd’hui dans cette voie poursuivent la même mission : restaurer la vérité, la foi et la souveraineté spirituelle du peuple noir.
Pourquoi cet article est important aujourd'hui ?
À l’heure où l’Afrique et sa diaspora cherchent à renouer avec leurs racines spirituelles, l’œuvre de Mfumu Kimbangu résonne comme un appel à la foi, à la conscience et à l’unité.
Elle rappelle que la véritable libération commence à l’intérieur de soi — dans la réconciliation avec Nzambi’a Mpungu, la mémoire des ancêtres et la renaissance du Bukongo.
Mbila kua Mfumu Kimbangu (Prière en hommage)
(Cette prière est laissée en kikongo, langue du cœur et de l’esprit. Elle clôture ce témoignage dans sa forme sacrée.)
Mfumu Kimbangu, Mfumu Kimbangu, Mfumu Kimbangu
Bika wa kulumuna ntembo kia ngolo
Kina nata ntemo ku Kongo
Kina sukula Kongo ye kina nata nkangu a Kongo ku ndungunu
Wiza, wiza o wiza wa dumuka ku Kongo
Ye nata kimpuanza kia lunga mu nsi eto
Bika lusakumu luanku lua kienzola Kongo
Ingeta.

Yaya Nzonza – Coach spirituelle & sophrologue afrocentrée (tradition Kongo).



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